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Positif (1976) - Family Plot

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FAMILY PLOT d'Alfred Hitchcock (U.S.A.). H.C.

Family Plot laissera sans doute sur leurs positions thuriféraires et contempteurs d'Alfred Hitchcock. Me rangeant très décidément dans la première catégorie, j'y ai pris un plaisir sans mélange. Aidé par un scénario sans faille, mais joyeusement bourré d'invraisemblances, d'Ernest Lehman, Hitchcock y pousse jusqu'à la limite sa théorie du spectateur-voyeur. Family Plot met en scène quatre personnages, deux couples, et ne permet au spectateur de s'identifier à aucun : l'oeil du public est ici celui de la caméra auquel, le plus logiquement du monde, Barbara Harris viendra faire un clin d'oeil de connivence à la fin du film. Auto-citations et morceaux de bravoure sont ici réduits au minimum. Seul compte un récit d'une cohérence implacable, totalement en dehors d'une psychologie traditionnelle, qui semble mettre en scène un monde ramené aux acteurs et spectateurs du drame. Ce trucage éhonté du réalisme aboutit à des effets saisissants dont le plus beau est l'apparition nocturne de Karen Black surgissant devant la voiture de Barbara Harris et Bruce Dern au défi de toute vraisemblance. Le jeu du vrai et du faux et le renversement des valeurs atteignent dans Family Plot une profondeur vertigineuse dans laquelle il est extrêmement difficile de distinguer la métaphysique de la plaisanterie la plus canularesque, comme dans cet éblouissant finale où la fausse voyante voit effectivement la cachette des diamants pour ensuite détruire l'effet par un clin d'oeil farceur.

Bons et méchants, blancs et noirs, nocturnes et diurnes, les deux couples ne sont jamais ce qu'ils paraissent être : les bons, Barbara Harris-Bruce Dern, agissant par intérêt et calcul, les méchants, Karen Black-William Devane, agissant vraisemblablement par pur plaisir, le luxueux intérieur qu'ils habitent et les riches activités de bijoutier de William Devane suggérant clairement qu'ils n'ont nullement besoin d'enlever des évêques et des hommes d'affaires pour vivre. Afin de ne pas aller trop loin dans le dévoilement des batteries et de ne pas gâcher ainsi le plaisir des amateurs, qui risque d'être immense, je terminerai en disant qu'Hitchcock a enfin résolu ses problèmes d'acteurs, car les quatre principaux sont tous excellents (en particulier Karen Black, rarement aussi ravissante). Ayant ainsi supprimé ce qui faisait la faiblesse de ses derniers films, il réalise avec Family Plot son meilleur depuis Marnie, ce qui n'est pas un mince éloge.

C. V.